Des sculptures en papier, nées de l’origami et du collage, à la broderie sur papier glacé, nous ne pouvons pas totalement affirmer que le monde artistique sera menacé par les arts numériques. Ces artistes n’ont certes pas inventé un nouveau mouvement mais ils ont innové une tradition, la réactualisant au gré des influences d’une époque moderne. Si les patterns de Maud Vantours, les broderies de Maurizio Anzeri et les collages d’Ernest Artillo sont aussi appréciés, c’est sûrement parce qu’il revêtent d’une imperfection qui fait justement toute la différence. On peut y entrevoir les défauts de construction, les détails, des bouts qui dépassent, des coins mal coupés. C’est là que réside tout l’intérêt et l’esthétique du paper art, de créer une œuvre physique en général. On serait moins émerveillés si elle était faite sur un logiciel PAO, sur Illustrator au millimètre près, où rien ne dépasse. L’artiste entretient un autre rapport à son travail où il fait vriller les cutters et caresse le papier Canson au lieu de pointer son curseur sur un «.png».
Alors, peut-être qu’on finira tous, dans quelques siècles, à lire des romans uniquement en format .epub ou à consulter des journaux compactés dans des applications. Peut-être que les tablettes remplaceront le papier et le crayon. Peut-être que les montres à aiguilles n’existeront plus et que les portables seront greffés à nos poignets. Peut-être que les peintres sur iPad se multiplieront et menaceront les peintres « sur toile ». Mais il semblerait que certains artistes, artisans du canson et du cutter, ne soient pas encore prêts à tourner la page.