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Stories

Justice : a Visual Cross Story

16 minutes read

A l’occasion de la sortie de leur troisième et nouvel album Woman, Fubiz consacre sa première « long story » à l’imagerie de Justice. Au fil des années, Gaspard Augé et Xavier de Rosnay se sont appropriés cette fameuse « croix » à chaque sortie d’album, et de clip. Pour en savoir plus, Fubiz est allé à la rencontre des interprètes de D.A.N.C.E. ainsi que de leur entourage (Mr Oizo, Charlotte Delarue, Pedro Winter), afin de comprendre comment et qui a façonné l’image et le graphisme de l’un des groupes électro les plus connus de leur génération.

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Les enfants d'Ed Banger

Justice a surgi de cette vague qu’on appelle french touch des années 2000. Une définition « débile » pour Quentin Dupieux alias Mr Oizo, compte tenu des différences entre les membres du mouvement (Kavinsky, M83, Cassius etc). « Je ne vois pas le rapport entre Air et Cassius, à part leur goût pour les foulards » avoue-t-il.

Quoi qu’il en soit, le label Ed Banger a indéniablement fait émerger quelque chose, une sorte de continuation des révolutions musicales et graphiques des années 1990. Justice est né en partie de cela, de ce moment où l’esprit rock ’n’ roll a commencé à être incarné par l’électro.

Justice : a Visual Cross Story
Ed Banger Records

« C’est un 3e album donc important, le groupe fête aussi ses 14 ans d’existence, mais parler de tournant n’est pas exact » affirme Pedro Winter, fondateur d’Ed Banger, l’homme qui a fait sortir de leur autisme musical MrOizo et Justice, entre autres.  « La carrière, la vision du groupe est super cohérente et constante je trouve » et en effet, le clip de Randy, par exemple, réalisé par Thomas Jumin, aurait sans doute pu être du Justice d’il y a 5 ans.

Comment ce duo arrive à surprendre encore d’un point de vue visuel ? Qu’attendre de Woman, leur troisième album ?

Justice - SO ME

La réponse n’est pas forcément dans la musique, et Pedro Winter l’a donnée en filigrane. Ce qui fait la puissance d’un concept artistique est avant tout « son univers ». Le fondateur d’Ed Banger sait dessiner cette « cohérence globale » ou du moins l’encadrer.

« Le groupe est le chef d’orchestre de tout ça. C’est un projet global, le disque n’est plus l’unique vecteur de plaisir. Les clips, la tournée, même la promo deviennent des éléments avec lesquels on peut jouer. Faire une fresque murale à la peinture à Brooklyn est plus excitant que faire une campagne digitale » précise Pedro Winter.

L’imagerie d’un groupe n’est pas qu’une question de make up. « Au fil du temps on a compris qu’en  plus de faire des choses belles visuellement, il fallait y mettre du sens » explique Xavier de Rosnay. Parler d’image avec Justice, c’est plonger dans une panoplie de références et de recherches, des noms et des génies du graphismes et de la mise en scène qui ont contribué à faire de cette idée musicale un symbole aussi fort qu’évocateur.

L'art subtil de la pochette d'album

Le premier nom fondamental pour comprendre Justice est sans doute celui de Charlotte Delarue, graphiste, créatrice de leurs pochettes d’album. Amie et proche du duo depuis le temps de l’école, les gars connaissaient son talent et sa précision. Pedro Winter parle d’elle comme de « la seule capable de tenir vraiment tête » aux deux musiciens.

« Elle ne fait pas d’erreurs, alors qu’aujourd’hui dans les pubs, les magazines, les packaging on voit tellement d’imperfections graphiques, comme des erreurs d’inter-lettrage. Des logos qui sont mal foutus ou des formes qui ne sont pas correctes. Elle, elle fait partie des rares graphistes qu’on connaît qui ne fait pas ce genre d’erreurs-là. » explique Xavier.

« Elle connaît les règles en fait. C’est une chose qui s’est perdue, surtout en France, les gens font n’importe quoi. Pour des logos institutionnels, on paye des fortunes et ils sont faits avec les pieds. » poursuit Gaspard.

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« Pour la pochette de Woman, on avait une photo à peu près similaire à ça (il indique l’image de la pochette), on la lui a donnée et elle a trouvé la solution pour réaliser ce projet. Elle a fait un montage photo. Elle a ensuite engagé un génie de la retouche, un peintre digital, Adrien Blanchat, qui a tout repeint à l’aerographe. Puis, elle a travaillé avec un photographe de musée que nous connaissons depuis très longtemps, Jérémy Beylard. Il prend des oeuvres d’art en photo pour créer des catalogues. Juste le fait d’avoir un peu d’air entre l’objectif et l’image donne une toute autre texture à la photo » précise Xavier de Rosnay.

 

Pochette de "Woman"

Charlotte Delarue explique sa vision de Justice et raconte leur collaboration : « Quand le groupe est venu nous (Surface to Air) voir pour leur 2e album, ils sont arrivés avec un nom de single « Civilization » et une référence : une photo d’un groupe d’archéologues à côté d’une statue de l’île de Pâques, fraîchement déterrée. Ça a été le point de départ pour définir un concept sur l’ensemble des sorties, album et singles : des croix situées un peu partout dans le monde (et sur la lune!), comme les vestiges d’une civilisation perdue. Nous voulions donner une dimension « réaliste » à ces images, c’est pourquoi nous avons choisi de faire des visuels plus photographiques que de l’illustration pure. Ça a été l’évolution la plus importante entre le 1er et le 2e album ».

Quand on a commencé à acheter des disques, on les achetait principalement pour leur pochette. On a ensuite constaté qu’elles venaient presque toutes de ce studio-là. 

Gaspard Augé

Amoureux des pochettes du studio Hypnosis, leur idée de la pochette idéale ressemble à celle d’Electric Warrior de T-Rex ou à celle de House of the Holy de Led Zeppelin.

House of the Holy de Led Zeppelin / Electric Warrior de T-Rex

Autre nom de relief dans l’imagerie de Justice est celui de Romain Gavras, réalisateur autant encensé que contesté pour certaines de ses plus célèbres réalisations (notamment « Stress », de Justice et « Born free » de M.I.A.).

Selon Pedro Winter, Gavras a eu le mérite de pousser Xavier et Gaspard dans leurs retranchements artistiques et apporter des partis pris radicaux au projet. Gavras incarne une partie de violence et de brutalité chez Justice qu’il ne faut pas se contenter de lire au pied de la lettre.

"Stress" - Justice

Les vidéos : entre violence et poésie

« Il a un truc ultra-violent qui reste néanmoins très beau formellement. On s’est dit que cet univers-là avec la musique qu’on faisait, et ce que nous sommes, c’est-à-dire l’inverse de ça, aurait donné quelque chose d’intéressant » explique Gaspard en parlant de Romain Gavras.

« On a commencé à réfléchir sur Stress ensemble parce qu’on s’est dit que c’était le bon morceau pour travailler avec lui. Il a cette envie de bousculer les consciences et en même temps il est très sensible, artistiquement et en tant qu’être humain… Stress était simplement une chanson faite pour être désagréable à l’écoute, il fallait donc que le clip soit tout aussi agressif » précise Gaspard.

"A cross the universe" documentaire de Romain Gavras, SO ME et Justice

Parler des clips de Justice ne peut pas se faire sans citer Thomas Jumin, un autre des talents ayant aidé à propulser l’univers du groupe. Il a réalisé DVNO en 2011 et il revient avec Randy en 2016. Un clip qui nous évoque les incroyables jeux de lumières déployés pendant les lives et qui est fidèle à l’image que le public s’est faite du duo.

« Pour Randy, on voulait une lyrics video pimpée mais avec un grand soin du détail. Jumin on le connaît depuis dix ans, donc on savait qu’en lui donnant des consignes il aurait compris direct. Il a mis trois semaines pour faire la vidéo, c’est une véritable prouesse. Il a fait plus grand que ce qu’on s’était imaginés mais on savait qu’on pouvait lui faire confiance » précise Gaspard.

Randy - Thomas Jumin

En parlant des clips de DVNO et de D.A.N.C.E. la question de la typographie surgit spontanément. Comment l’utilisent-ils ? Quelles sont les références ?

Xavier : « Pour nous, tout ce qu’il est possible de faire avec des lettres a été accompli dans les années 1970. Après, avec les années 1980-1990, les gens se sont mis à déconstruire les choses. »

Gaspard : « Mais plus ça va, plus on s’ouvre à des artistes jeunes. Je pense à un mec qui s’appelle David Rudnick qui ne vient pas du tout de la même école que nous. Sa sensibilité va plus vers les années 1990. Il a réussi a sublimer ce moment d’émergence des polices d’ordinateur. »

La question du beau ou du pas beau est complètement secondaire : le plus important c’est que l’image aille avec l’intention.

Xavier de Rosnay

"DVNO", Justice

Du rôle des typographies et du graphisme

Graphistes de formation, Xavier et Gaspard se sont entourés de pointures du secteur ayant tous comme point commun une incroyable précision et une capacité à mettre en images des concepts abstraits de manière forte.

« Quand on était à l’école on ne comprenait pas pourquoi il fallait faire des notes d’intention. On s’efforçait simplement de faire des trucs jolis. Mais quand on travaille sur une musique, on a envie que les images lui ressemblent, sans forcement qu’elles soient belles. En travaillant sur Justice, on a compris que l’idée était plus importante que la forme à la fin. La question du beau ou du pas beau est complètement secondaire : le plus important c’est que l’image aille avec l’intention. » explique Gaspard.

 

Charlotte Delarue, Surface to Air - Travaux pour Chromeo et Kavinski

À ce propos, le point de vue de Charlotte Delarue est édifiant : « Je n’ai travaillé qu’avec des artistes pour qui l’image est quasiment aussi importante que la musique. Kavinsky, Chromeo et Justice sont des groupes qui sont très impliqués dans leur image, et qui, en faisant leur album, ont souvent déjà intellectualisé un univers. Moi je les aide à définir une direction, à approfondir un concept et à le mettre en forme ».

Et finalement, c’est SO ME, graphiste et collaborateur étroit du groupe, qui révèle Justice à Pedro Winter, en devenant d’emblée un élément du groupe à part entière. Ce sont notamment ses dessins qui ont inspiré le célèbre clip du titre D.A.N.C.E.

"D.A.N.C.E." - Justice

« Bertrand c’est notre plus vieux pote en commun. Il est toujours dans un coin. Quand on enregistrait l’album il venait au studio. Il a une oreille musicale incroyable, c’est une encyclopédie sur pattes. Il nous a beaucoup conseillés et nous a fait les premières photos de presse. On a la même sensibilité. On était dans la même école, on s’est fait l’oeil ensemble » explique Gaspard.

Inspiré par le japonais Tadanori Yokoo, le travail de SO ME est raffiné et poétique, en rencontrant ainsi harmonieusement l’univers de Justice que Delarue définit de « romantique ». Naïf et très manuel, le travail de SO ME radoucit et équilibre l’énergie de la composition musicale et les images proposées par un Gavras.

SO ME est à l’origine de tout en fait. C’est lui qui m’a incrusté à cette fameuse raclette. Le lendemain je les signais sur mon tout nouveau projet, Ed Banger records. Comme dans chaque duo, il faut un trait d’union extérieur, Bertrand est ce lien entre Xavier et Gaspard. 

Pedro Winter

Pedro Winter met des mots et des noms sur cette vague graphique dont Justice est un héritier : « La touche française des graphistes, H5, Alexandre Courtes, Yorgo Tloupas, Geneviève Gauckler, Seb Janiak, était complémentaire à la révolution musicale qui était en marche au début des années 90. Quelques années plus tard c’est finalement ce que nous avons fait renaître avec Ed Banger records et SO ME ».

D.A.N.C.E. - SO ME

L'impact des lumières

Ce qui vient compléter la cohérence de cette imagerie complexe, c’est bien sûr le live. Couronnement de tant de recherches et réflexions esthétiques, la scène est peut-être le moment où l’univers d’un groupe se dévoile à son public de la manière la plus directe et immédiate. Aucun filtre n’est établi entre l’émetteur et le récepteur du message.

Les lumières sont ainsi un art que Justice a appris à maîtriser sagement grâce à l’aide de celui qu’ils définissent sans complexes de « génie », l’ingénieur lumières Vincent Lerisson.

 

Les gens pensent que la musique contrôle les lumières dans nos live, que c’est time-codé. Mais non, c’est lui qui balance tout à la main. Il sait réagir avec nous, en live c’est le troisième membre du groupe.

Xavier de Rosnay, en parlant de Vincent Lerisson

S’éloignant des shows de musique électronique classiques, Lerisson s’inspire du théâtre avec ses traditions et ses codes simples et efficaces. Le brief est toujours le même : lumière blanche avec des couleurs de temps en temps pour revitaliser le public et usage de nouvelles technologies mais uniquement en tant que sources de lumières, en s’éloignant donc de leur fonction primaire. Ainsi, un écran est choisi pour sa précision, non pas pour refléter des images.

« Vincent a une mémoire affolante et il est très précis manuellement. Les gens pensent que la musique contrôle les lumières dans nos live, que c’est time-codé. Mais non, c’est lui qui balance tout à la main. Il sait réagir avec nous, en live c’est le troisième membre du groupe. » explique Xavier.

Justice Live 2012 - Photo : Sebastien Sacco

Cinéma, le dernier défi

Musique, graphisme, vidéo et lumières, il semblerait qu’il ne reste plus que le cinéma à Justice pour achever la cohérence du tableau. Mise à part une collaboration de Gaspard Augé avec Quentin Dupieux sur « Rubber », le groupe ne s’y est pas encore penché.

« Avec Gaspard, on a vraiment fabriqué à deux, il composait des morceaux sur Garage band, j’inventais ensuite l’esthétique sonore, les beats, les arrangements, les mixes, on finalisait ensemble et on était contents en même temps. Gaspard a apporté une dimension géniale au film, un truc vraiment fort que je n’ai jamais retrouvé depuis » raconte Quentin Dupieux.

Néanmoins, pour Pedro Winter, il est évident que dans l’avenir le groupe pourrait composer les bandes-originales des films de Jacques Audiard ou Darren Aronofsky.

Rubber - Quentin Dupieux

Justice comme référence visuelle ?

Cette ballade visuelle au coeur du monde de Justice s’achève sur une ouverture insolite. Le duo de la scène électro a bousculé le panorama artistique international. Face à eux, d’autres références surgissent, et il serait difficile de négliger l’affirmation du nouveau rock français. Il est étrange de constater que Justice s’y est infiltré en douceur. Face à une image tirée du clip Sphynx, sorti cette année par La Femme, ils rigolent.

« Elle te rappelle On’n’On, c’est ça ? Et bien nous aussi on s’est peut-être inspirés d’autres clips, sans même pas en être conscients. Cela nous fait plaisir de nous dire qu’on est peut-être une influence pour eux. Par ailleurs, leur pochette d’album est la meilleure de l’année, les doigts dans le nez. C’est Tanino Liberatore. Je suis jaloux de cette pochette« , Xavier sourit.

 

 

La Femme, Mystère - Tanino Liberatore

Quand un groupe a 14 ans d’existence, tout le monde s’affole pour définir en quoi et comment il a évolué. Parce que la plupart des projets artistiques mettent au centre de leur recherche une seule question : comment se renouveler ? En revanche, rares sont ceux qui se posent la question de comment rester fidèle à eux-mêmes. Comment créer une constante et une cohérence. La constance et l’intégrité de Justice sont pourtant ce qui fait la force de leur message. Une formule gagnante qui résiste au temps et qui n’a pas été fondée uniquement sur la musique, mais sur les génies qui l’ont comprise et transformée en univers…

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Toute l’Odyssée visuelle de Justice pourrait aisément être résumée par ces clichés exclusifs de Toni Francois. Prises lors du live à Mexico le 19 mars, ces nouvelles photos décrivent avec une incroyable précision le travail sur les lumières et l’agencement scénique. Dans une atmosphère presque cléricale, Justice diffuse sa musique au milieu de nuages de lumière blanche. Un expérience mystique qui prouve la puissance du visuel et sa capacité à toucher toutes les émotions humaines.

Pour suivre toutes les nouveautés de Justice, les dates de la tournée mondiale se trouvent ici.

 

 

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