Véritable photographe explorateur, le français Jonk n’hésite jamais à parcourir des pays afin de découvrir et capturer des lieux méconnus. Ses oeuvres nous donnent à voir la force de l’environnement sous un regard neuf et nous amènent aux confins d’espaces laissés pour compte avec une poésie brute. Entre sa curiosité sans limite, sa passion pour le street art et la Nature avec un grand N, l’artiste nous parle un peu de son processus créatif et de ce qui l’inspire à partir à l’aventure.

Quel parcours t’a amené à devenir photographe?

Quand j’étais jeune, mes parents m’envoyaient une fois par an dans une famille américaine pendant deux semaines. C’était pendant les vacances de février en France, mais les Américains n’avaient pas de vacances, j’allais donc à l’école avec mon correspondant. J’ai fait ça de mes 11 à 17 ans. Au début, j’amenais plusieurs appareils photo jetables. Ça a été mes premières photos. Au bout d’un moment, je me suis acheté un appareil argentique. Pendant longtemps je ne faisais donc que des photos «souvenirs» – un peu mauvaises ! -, je ne me considérais pas encore comme photographe. C’est mon premier vrai voyage en solitaire qui a été un réel déclic. J’avais 19 ans et c’était à Barcelone. J’ai découvert le graffiti et pour la première fois, j’ai trouvé un sujet qui m’a poussé a essayé de faire de belles photos!

On le découvre à travers tes différentes séries et publications, les édifices et les espaces abandonnés où la nature reprend ses droits, comme dans la série «Naturalia», te passionnent énormément…

Oui, c’est justement le graffiti qui m’a amené aux lieux abandonnés où les graffeurs vont souvent peindre pour être seuls, tranquilles, et prendre leur temps de faire de plus grandes et plus belles peintures. Après quelques temps à fréquenter ces artistes, j’ai moi-même commencé à peindre dans ces lieux et c’est pourquoi j’utilise aujourd’hui le surnom «Jonk». En visitant des lieux abandonnés à la recherche de graffitis, j’ai réalisé l’intensité des atmosphères et la beauté du spectacle du passage du temps : la rouille, les murs fissurés, la peinture qui s’écaille, les fenêtres cassées, la nature qui reprend le dessus et créée des scènes incroyables, d’une grande photogénie. Je me suis donc mis à visiter des lieux abandonnés, pour le graffiti ou pas.

Avec le temps, mon intérêt s’est concentré sur ce qui m’est apparu le plus fort dans ce vaste sujet de l’abandon: les lieux repris par la Nature. C’est poétique, presque magique, de voir cette Nature reprendre ce qui a été sienne, réintégrer par des fenêtres cassées, des fissures, les espaces construits par l’Homme puis délaissés, jusqu’à les engloutir totalement. Ce thème s’est imposé à moi naturellement grâce à la conscience écologique qui m’anime depuis mon plus jeune âge et la force du message qu’il porte : la question de la place de l’Homme sur terre, et de sa relation avec la Nature. C’est très facile de faire un lien entre l’écologie et mes photos.

Aujourd’hui, j’ai visité plus de mille lieux abandonnés dans une quarantaine de pays sur quatre continents.  

Dans ta dernière série, tu nous amènes au sein des paysages méconnus de l’ex-Yougoslavie pour y explorer des statues oubliées.

En 2016, alors que je préparais un voyage dans les Balkans, j’ai découvert ces Spomeniks ou monuments oubliés, comme tu dis. Comme certains d’entre eux sont abandonnés, ils sont apparus dans mes recherches. J’en suis tombé amoureux instantanément. J’en ai trouvé énormément et ils ont représenté au final presque la moitié des lieux que j’ai visités lors de mon premier voyage de 2016. J’ai parcouru 5500 kilomètres à travers ce qui est aujourd’hui la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, la Croatie, le Kosovo, le Monténégro, la Macédoine et la Slovénie et j’ai photographié 21 Spomeniks. Ce voyage a été une révélation. J’avais pressenti la puissance des monuments lors de mes recherches, mais les voir de mes propres yeux a été bien plus intense. Ça m’a confirmé que je devais creuser le sujet et retourner dans les Balkans.

J’y suis donc retourné en 2017 où j’ai parcouru cette fois-ci 4500 kilomètres à travers les mêmes pays. J’ai visité 29 Spomeniks lors de ce voyage ainsi que de nombreux lieux abandonnés. Et au final ces deux voyages ont donné un livre: Spomeniks!

Comment t’y prends-tu pour découvrir tous ces lieux et trésors cachés?

C’est la partie la plus compliquée! Après il suffit d’acheter un billet d’avion, louer une voiture et faire «clic»! J’exagère, mais effectivement trouver des lieux abandonnés est assez difficile, surtout des lieux intéressants. Je fais énormément de recherche sur internet, je passe des heures à fouiner sur Google Maps en vue satellite. Pour certains pays, il y a des bases de données qui référencent les édifices en périls, ça peut aider. Comme je suis un peu suivi sur les réseaux, il n’est pas rare que des gens viennent me parler pour me dire que dans leur village ou dans celui de leur grand-mère il y a tel ou tel bâtiment abandonné…

As-tu des nouveautés à venir?

Oui plusieurs, notamment un livre sur un thème assez insolite qui va sortir dans quelques mois.

Suivez le travail et les voyages du photographe sur Instagram.

Warehouse, Taiwan, 2017

Mansion, Taiwan, 2017