Dans sa série “Happy Place”, la photographe polonaise Sandra Mickiewicz s’immerge dans la communauté la plus stigmatisée du Royaume-Uni. À Jaywick, elle rend compte d’histoires plurielles, celles des résidents qui y vivent et débunke les clichés négatifs de cette petite ville près de la mer…

Quand la photographie s’est imposée à vous comme le médium idéal pour créer ?

Jeune adolescente, je dessinais beaucoup. En 2007, avec ma famille, nous avons déménagé au Royaume-Uni où j’ai étudié l’art et le design. Je n’ai jamais rêvé de devenir avocat, médecin ou comptable. J’ai toujours eu cette envie de créer. Au collège, j’expérimentais des façons pour devenir artiste. J’ai essayé la peinture, la 3D, le graphisme, le textile, la gravure et la céramique. C’est seulement quand je suis entrée dans une chambre noire que j’ai trouvé mon moyen d’expression.

J’ai postulé à l’Université de Middlesex, à Londres, pour étudier la photographie. J’ai été rejetée deux fois. J’étais tellement déterminée et motivée ; j’avais ma propre vision que je suis jusqu’à présent. J’ai postulé une troisième fois et j’ai finalement été acceptée. J’ai obtenu mon diplôme en 2018 et depuis lors, je travaille sur des projets personnels qui peuvent parfois être difficiles, surtout lorsque vous quittez l’université et que vous n’avez ni soutien, ni délais.

Il y a beaucoup d’images que j’ai prises ces dernières années et que j’aime profondément. Cependant, si vous me demandez de choisir une photographie, je choisirais Ernie de la série “Proud of the origin”. C’est un projet toujours en cours de création, axé sur les Gypsies et les gens du voyage, à travers le Royaume-Uni.

Dans votre série “Happy Club”, vous partagez des histoires singulières qui s’articulent elles-même dans des dynamiques plus larges, celle des groupes mis à la marge au Royaume-Uni.

La photographie est un merveilleux outil pour raconter des histoires, mais aussi pout exprimer des sentiments, des pensées et pour partager des expériences. J’ai commencé à travailler sur le projet “Happy Club” en fin de deuxième année universitaire.

Jaywick est connue comme l’une des régions les plus défavorisées d’Angleterre aux prises avec des problèmes tels que le chômage, la santé et la criminalité. J’ai gagné la confiance de la communauté et j’ai été invité à photographier un groupe connu sous le nom de “Happy Club”. Créé en 2015, il a pour but de  servir de lieu de rencontre et de réseau de soutien dans une église locale. Ces photographies se concentrent sur l’idée de communauté malgré des circonstances difficiles. Mais aussi sur l’acceptation et l’intégration, dans leur cercle social, d’un sujet extérieur ; moi, comme photographe, qui les documente.

Les personnes que vous portraitisez, souvent dans leur propre maison, semblent à l’aise avec votre caméra. Comment y parvenez-vous ?

Dans ma pratique, l’une des choses les plus importantes pour concevoir un portrait fort est la communication avec le sujet concerné. Discuter avec eux me permet de mieux les connaître, d’en savoir plus sur leurs parcours et leurs histoires. Plus important encore, cela m’aide à établir la confiance avec les personnes que je photographie. Parfois, la conversation prend 10 minutes, d’autres fois des heures, des jours ou des mois avant que la personne me fasse confiance. Les photographes doivent se rappeler que tout le monde est différent. Pour développer une bonne communication, il faut être à l’écoute. N’ayez pas peur de poser des questions personnelles. Soyez ouvert aux gens et soyez vous-même.

Comment déployer de nouvelles idées dans un processus créatif qui reste souvent le même ?

J’adore lire des livres basés sur des histoires vraies. Cela m’aide à cultiver mon imagination et mes idées. J’ai également un petit carnet où j’écris mes objectifs et même mes échecs. Il est important de regarder le travail de différents photographes, sans pour autant se limiter à leur corpus d’images. L’inspiration peut se trouver en lisant, en écoutant de la musique, en voyageant, en écrivant ou en parlant aux gens.

Pour être honnête, j’expérimente peu avec différentes techniques. Je fais partie de ces photographes fidèles à un seul appareil photo, un objectif et beaucoup de pellicules !