C’est dans la photographie de mode que Roberto Badin débute. Plus tard, ce sont les natures mortes et l’architecture qu’il capture à travers son objectif, construisant des storytelling où la composition et le cadre sont pensés dans les moindres détails.Quand êtes-vous tombé amoureux du médium photographique ? 
Je suis né à Rio de Janeiro au Brésil où j’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence face à la mer.

Le travail d’Oscar Niemeyer, architecte brésilien m’a toujours inspiré. J’aime l’architecture avant d’aimer la photographie. J’ai eu mon premier appareil photo à l’âge de 14 ans ; je prenais des photos de tout ce que je voyais autour de moi. Je ne me suis pas arrêté depuis.

J’ai la chance d’avoir transformé ma passion en profession, même si cela n’a pas été facile au début. C’était une époque où faire ses propres images coûtait assez cher. Il fallait trouver certaines astuces pour développer son travail, et il n’y avait pas de place pour les erreurs. Une image ne pouvait pas s’effacer avec un simple clic et on découvrait seulement le résultat après le développement en laboratoire.


Votre esthétique photographique est graphique et sophistiquée. 
C’est toujours difficile d’exprimer le “pourquoi” on arrive à avoir une certaine esthétique. L’inspiration vient de partout et lorsqu’on décide de se positionner dans un espace afin de réaliser un cadrage, qu’il soit spontané ou déterminé, tout le baggage émotionnel et culturel se met en place de façon très intuitive.

Je cherche à faire ressortir la banalité quotidienne d’un lieu, peut-être juste une beauté secrète à révéler. Le plus important pour moi est que l’image finale puisse réveiller une émotion au spectateur, même si ce n’est pas la même que j’ai ressenti en la réalisant.

Pour vous, l’idée et les émotions sont les points culminants de vos storytelling

L’image est un ensemble de détails composés par une lumière, par un cadrage et par un instant précis du déclenchement de l’appareil. La plupart du temps, quand tous les paramètres sont en équilibre, une émotion peut s’en dégager. ll me semble naturel d’y apporter parfois un élément humain. Cela permet de donner une échelle à la scène et d’enrichir la narration.

De votre série « Inside Japan », vous avez crée un livre. Quelle est son histoire ?
Quand j’étais enfant, au milieu des années 70, la plupart de mes références visuelles étaient des dessins animés et des séries télévisées japonaises. Le Japon était comme une planète lointaine qui me faisait rêver.
Lorsque je suis rentré de mon premier voyage dans l’archipel en 2016, la rencontre avec l’éditeur Benjamin Blanck a été décisive pour l’élaboration du livre. Il souhaitait publier un ouvrage rien qu’avec le premier séjour, car le résultat était déjà consistant. Mais il restait encore quelques endroits particulièrement intéressants que je n’ai pas pu visiter et nous étions d’accord qu’un autre voyage pouvait venir compléter les images que nous avions entre les mains.

Mon objectif a été de garder le même regard lorsque je suis retourné au Japon en avril 2018. Il était essentiel de  la même fraîcheur et la même curiosité, qui parfois peuvent nous échapper quand on retourne dans un pays.

L’architecture et l’art contemporain ont été le fil conducteur de ma démarche. Je prépare mon voyage le mieux possible, mais je laisse une grande part d’improvisation une fois arrivé sur place. Claude Lelouch a dit une fois à propos de la réalisation de ses films, une phrase qui illustre parfaitement mon état d’esprit lorsque je prépare un projet : “Un film doit être préparé comme un hold-up. On a un plan pour le faire le mieux possible et après, on doit être prêt pour les surprises.”

Qu’implique la création d’un objet éditorial dans votre travail de photographe ?
La publication du livre est à elle seule un moment d’aboutissement, en collaboration avec un éditeur qui m’a laissé une grande liberté artistique et de choix des images. L’édition a aussi bénéficié du soutien de la Rive Gauche Gallery, fondée par mon agent 1718 Paris pour développer les projets artistiques et personnels de ses artistes. Inside Japan est aussi une exposition photographique qui a déjà été présentée à la Galerie Cyrille Putman lors du Festival International de la Photographie à Arles, par exemple. C’est un projet particulièrement gratifiant puisqu’il permet de ressentir les émotions provoquées chez ceux qui le regarde.