La pratique photographique d’Eva Verbeeck repose sur la construction d’une relation sincère et transparente avec les modèles qu’elle photographie. De sa série America’s Girl, qui propose de nouvelles représentations sur l’adolescence aux États-Unis et sa série Looking for Water, qui documente la crise environnementale de l’Afrique de l’Est, Eva Verbeeck tisse du lien.


Quand la photographie est devenue votre médium pour examiner le monde ?

Je suis née en Belgique et j’ai grandi dans une petite ville du nom de Tessenderlo. Ma mère m’a offert ma toute première caméra à mes 12 ans. J’ai alors commencé à photographier ce que je voyais : ma famille, la nature et tout ce qui m’entourait en tant que jeune femme. Ma famille et moi avons toujours beaucoup voyagé. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes et des cultures qui m’ont plongées dans cet amour de la narration visuelle. J’ai développé un profond intérêt pour la justice sociale, la youth culture et le militantisme. 

Pourquoi les problématiques sociales, politiques et environnementales prennent une place si particulière dans votre pratique photographique ? 

J’ai étudié les droits de l’homme et le droit international à Bruxelles. Puis, j’ai voyagé en Éthiopie et au Kenya pour documenter la crise environnementale en Afrique de l’Est. C’est lors de ces voyages que j’ai réalisé à quel point la photographie était un vrai bel outil pour le storytelling et que j’ai commencé le photoreportage. Ces dernières années, mon travail s’est concentré sur les problématiques environnementales, humaines, sur les questions liées aux genres et aux explorations des identités. 

“To believe in something, and not to live it, is dishonest.” Cette citation de Mahatma Gandhi, gravée sur un bloc de bois que mon père m’a offert lorsque j’étais adolescente, m’accompagne toujours dans ma pratique quotidienne de la photographie.

Dans vos séries America’s Girl et Looking for Water, comment réussissez-vous à portraiturer vos  modèles au plus proche de leur réalité et de leur true-self ?

J’arrive à tirer des portraits authentiques parce que je crée un réseau de confiance entre les modèles et moi. Généralement, je planifie des photoshoots des semaines ou des mois à l’avance. Pour America’s Girl, où j’ai photographié des femmes entre 6 et 16 ans, j’ai parlé aux parents, aux écoles et aux clubs de sports à propos de mon travail. Le jour du photoshoot, je me présente, nous discutons et je leur pose des questions avant de les photographier. Nous passons du temps à parler d’eux, de leurs intérêts, de ce qu’ils aiment à propos d’eux et ce qu’ils ressentent dans cette période de transition qu’est l’adolescence. Puis, finalement j’installe ma caméra et je les laisse choisir la position dans laquelle ils sont le plus à l’aise. Dès qu’ils ont trouvé leur position, le plus gros du travail est fait. 

Quant à ma série Looking for Water, je tissais du lien avec les familles victimes du dérèglement climatique que je photographiais durant une période plus longue, un mois ou plus. Avec mon ami et traducteur Sumsum, nous les photographions et les interviewons au long de leur journée. Ce travail a été très différent culturellement et physiquement de tous mes autres projets.