Dotée d’une sensibilité palpable, l’artiste française Sarah Seené basée à Montréal fait de la lumière et des émotions ses principales alliées. Qu’elle travaille à l’argentique ou au Polaroid, qu’elle immortalise des paysages naturels ou des visages captivants, ses oeuvres se dévoilent éthérées et enveloppantes. Parcourir les nombreux projets de la photographe se comparerait presque à lire un recueil de poésie. Nous lui avons posé quelques questions.

Bonjour Sarah! Peux-tu nous parler un peu de ton parcours et de comment tu es devenue photographe?

J’ai appris la photographie argentique à l’âge de 16 ans aux cours du soir des Beaux-Arts de Belfort, la ville dans laquelle j’ai grandi. J’ai particulièrement aimé découvrir la magie du développement de la pellicule et des tirages papier. Après le lycée, j’ai fait des études de littérature et de cinéma, mais je continuais à faire beaucoup de photographies, en pellicule toujours.

En 2011, j’ai participé à un concours lancé par une librairie parisienne consistant à réaliser un triptyque au Polaroid. Je n’ai plus quitté le Polaroid pendant des années suite à cela, il est même devenu mon médium de prédilection. S’en sont suivies les premiers projets, les premières propositions, expositions, publications et la photographie s’est alors naturellement placée au centre de ma vie. Maintenant, je réalise des projets personnels et je travaille pour des artistes, des musiciens.

Comment définis-tu ton univers artistique?

Mes images sont souvent décrites comme oniriques et poétiques. Personnellement, j’y perçois davantage du sensible et de la sensualité. Mes différents projets ont en commun l’humain, son émotion et son énergie de vie. Mon fil conducteur est lié à une certaine forme de douceur qui est liée au regard que je pose sur celles et ceux que je photographie. J’ai un amour incommensurable pour les visages, la peau, les yeux et surtout pour la lumière. C’est elle qui me guide dans mes choix. Elle doit toujours être naturelle, je ne travaille jamais avec la lumière artificielle.

Je définirais donc ma volonté comme étant celle de réaliser des photographies lumineuses, notamment lorsque je traite de sujets qui pourraient paraître difficiles au premier abord. Toutefois, il n’est pas exclu que la lumière soit traversée par des zones d’ombres… En effet, je dirais qu’il y a aussi parfois une étrangeté, une inquiétude, un frisson qui parcourt mon travail et qui fait cohabiter la douleur et la vie.

Quelles sont tes principales sources d’inspiration?

Encore une fois, c’est l’humain qui est au cœur de mes inspirations. Les femmes et les hommes qui font preuve de résilience, qui témoignent d’une force exemplaire. Le vivant, dans son ensemble, mais aussi la mort peuvent me fasciner. Souvent, c’est davantage une émotion personnelle qui est le point de départ d’un projet et qui m’amène à réaliser les images, puis ensuite à développer un discours sur mon projet. Il y aussi la musique qui m’inspire, plus que la photographie elle-même.

Tu travailles actuellement sur ta série Fovea qui s’intéresse à plusieurs jeunes Québécoises et Québécois atteints de déficience visuelle.

Fovea est mon plus projet le plus important à ce jour. La fovea définit «la zone, située dans le prolongement de l’axe visuel de l’œil, où la vision des détails est la plus précise.» (Dictionnaire Larousse, 2018)

Fovea est une série de photographie documentaire, réalisée en argentique Noir et Blanc, qui met en lumière ces jeunes.

Qu’ils soient malvoyants à cause d’une maladie dégénérative, d’un accident de voiture, d’un AVC précoce ou qu’ils soient nés aveugles, ces jeunes ont un parcours de vie saisissant qui témoigne d’une résilience hors du commun. Loin des cannes blanches et des lunettes fumées, les portraits de Fovea se construisent aux antipodes des clichés sur la déficience visuelle. Ils illustrent le rapport tendre et poétique que les jeunes malvoyants et non-voyants entretiennent avec le monde qui les entoure. Au moment des expositions, chaque photographie est accompagnée d’un texte descriptif sous forme de poème en Braille. Le projet comporte aussi des documentaires sonores qui présentent les jeunes par la voix et un film en Super-8.

Quel serait ton projet de rêve?

Sans hésiter, faire la pochette du prochain album de Bjork! Le rêve ultime!

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