Après avoir découvert les photographies du français Thibaud Poirier, il nous est difficile de ne plus porter une vive attention aux architectures (qu’elles soient saisissantes, archaïques ou futuristiques) des églises, des vieux bâtiments ou encore des bibliothèques qu’il choisit de mettre en lumière. Véritable artiste documentaliste, nous avons discuté avec lui de sa vision, ses influences, ses narrations visuelles et ses sources de réjouissance.

Bonjour Thibaud ! Parle-nous un peu de ton parcours…

Je suis photographe d’architecture, j’ai 31 ans et j’habite à Paris. J’ai commencé la photo en 2013 comme un moyen de découvrir ma ville, Paris, et de documenter les rues, l’architecture et la vie des différents quartiers.

J’ai eu la chance de beaucoup voyager étant enfant et de vivre aux quatre coins du globe dans plusieurs villes de tous les continents. Mon père travaillait pour un grand groupe du CAC40, alors mon enfance et mon adolescence ont été rythmées par de nombreux déménagements: Houston, Montréal, Buenos Aires ou encore Tokyo et m’ont donné un gout pour l’architecture et les milieux urbains. Je pense que c’est mon séjour à Tokyo, de mes 12 à mes 17 ans, m’a le plus marqué. Mon contact avec l’architecture de Tadao Ando et Rafael Vinoly s’est développé en véritable passion qui est aujourd’hui le thème principal de ma photographie, mais également mon activité principale.

En parallèle de ma carrière de photographe, j’ai fait des études d’ingénieur et je suis aujourd’hui également consultant en aménagement et architecture d’intérieur, ce qui me permet de côtoyer au quotidien des architectes, des artisans ou des dirigeants d’entreprise. Cette double casquette me permet d’avoir une vision plus globale de l’architecture alliant la fonctionnalité, la compréhension des volumes et l’esthétique des intérieurs.

À mon retour à Paris, qui est ma ville de naissance et mon point d’attache, je me suis rendu compte que je ne la connaissais pas si bien que ça et que j’avais envie de la découvrir. Cette exploration urbaine je l’ai faite avec le seul outil photo que j’avais à l’époque, mon iPhone. À ce moment, on était encore aux débuts d’instagram et j’avais été impressionné par certains photographes amateurs qui faisaient des photos magnifiques avec le même outil que moi et quelques applications mobiles de retouche.

À partir de ce moment-là, il y a eu un déclic, et mon objectif n’était plus de simplement documenter la ville, mais d’écrire une histoire, mon histoire d’exploration, avec une nouvelle perspective.

En effet, on découvre au sein de ton travail des paysages urbains fascinants ainsi que des architectures captées avec justesse et textures. Tu aimes documenter l’évolution et l’énergie des endroits. Comment définirais-tu ton travail?

Ma passion pour l’exploration urbaine m’a rapidement poussé à voyager plus souvent pour la photographie et à m’intéresser à de grandes mégalopoles (Dubaï, Tokyo, Hong Kong, Shanghai). La modernité, l’énergie et les dimensions de ces villes m’ont rappelé mon adolescence vécue au Japon et m’ont tout de suite fasciné. L’architecture moderne omniprésente, très tranchée par rapport au classicisme de Paris, m’a libéré et a donné naissance à de nombreuses séries urbaines avec une dominante sur les photos de nuits.

Pourquoi ce désir d’immortaliser des édifices patrimoniaux comme des églises, des bibliothèques ou de vieux théâtres?

Ma sensibilité pour l’esthétique et la fonctionnalité des intérieurs m’a poussé à vouloir sublimer leur rôle dans la vie humaine, parfois temples de savoir ou lieux sacrés, avec des séries photographiques sur les plus belles bibliothèques et églises du monde.

J’ai choisi les bibliothèques et les églises parce que je voulais regarder à travers l’histoire et montrer comment un espace avec une fonction similaire pouvait être interprété de manière aussi différente géographiquement et à travers les siècles.

Je souhaitais également souligner qu’en cette période de connaissances et d’informations digitales, facilement et constamment disponibles, les bibliothèques ont encore beaucoup à offrir et sont plus pertinentes que jamais. Les bibliothèques sont des lieux qui ont traversé des générations, et pour certaines des siècles. Ce sont des lieux construits dans un but bien précis, pour étudier et transmettre le savoir, et sont mondialement réputées pour leurs collections de livres.

Dans mes photos, j’ai opté pour un point de vue central, qui permet de mettre en valeur la symétrie et la perspective de ces lieux donnant au spectateur une chance d’apprécier pleinement l’espace en créant un sentiment d’immersion dans la photo. C’est également une façon pour de moi de rendre hommage à certains de mes photographes préférés comme Candida Hofer et Hiroshi Sugimoto. Mon approche est par contre plus moderne, j’utilise la photographie digitale et je privilégie une retouche plus colorée et contrastée que mes idoles.

Dans la continuité de mes prédécesseurs, j’ai également souhaité photographier ces lieux vides de toute présence humaine afin de brosser des portraits surréalistes et intemporels de ces monuments. C’est également un moyen pour moi d’avoir un moment privilégié avec l’espace qui est mis à ma disposition, d’en profiter pleinement même si ce n’est que pour quelques instants.

Qu’est-ce qui t’inspire à créer?

Je suis particulièrement influencé par des photographes des années 80-90-2000 et par le cinéma en général. Le monde dans lequel nous vivons change sans cesse et j’apprécie beaucoup les anciennes photos et cartes postales. L’architecture, les devantures, les panneaux, tout a changé! J’ai cette volonté de vouloir documenter ces lieux pour le futur. Il y a un côté légèrement nostalgique qui en ressort.

Je souhaite également pouvoir partager ma vision de l’architecture et de ces villes que je trouve si belles.

Quels sont tes projets à venir?

J’aime toujours avoir un projet en cours. Les prochains porteront sur les théâtres et les lieux de musique. Je souhaite également voyager davantage en Europe pour continuer mes séries de nuit!

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